C’est à l’échelon communal que se joue l’avenir de l’écologie politique

IMG_2055En 2014, Europe Écologie Les Verts aura 30 ans.Pour l’écologie politique, prise au sens partidaire du terme, cela aurait pu –aurait dû?- être un anniversaire historique.

Deux ministres, des groupes parlementaires dans les deux Chambres, des députés européens, des centaines d’élus locaux… Jamais les Verts, puis EELV, n’avaient été aussi présent dans les institutions depuis la création de ce parti en 1984.

Voilà qui pourrait laisser penser que la fameuse majorité culturelle, Graal si cher à plusieurs générations de dirigeants écologistes, serait donc aujourd’hui en passe d’être atteinte. Mais en l’espèce, peut être faudrait il plutôt parler… d’exception culturelle. Car ce nombre record d’élus EELV semble en effet inversement proportionnel au poids de l’écologie dans les politiques nationales.

[Cet article a été initialement publié sur Reporterre et cité dans l’éditorial « Le lent suicide d’Europe Ecologie Les Verts« ]

l’écologie politique confrontée à l’exercice du pouvoir

Et pourtant, souvenons-nous du mardi 15 novembre 2011. Ce jour là, Cécile Duflot et Martine Aubry viennent de signer dans l’euphorie la plus totale, un accord de mandature qualifiée d’« ambitieux » par la direction nationale d’EELV. Las, deux ans après, entre renoncements et reports, les fameuses mesures ambitieuses semblent bien loin…
Il est vrai que les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient. Voilà une phrase sinistre et cynique qui semble pourtant n’avoir été écrite que pour l’écologie politique. Celle-ci, depuis plusieurs décennies, n’a cessé de se heurter avec plus ou moins de fracas à la réalité du pouvoir et des… promesses non tenues. Tous les ministres de l’environnement qui se sont succédés depuis presque un demi-siècle (le premier fut en 1971 un certain Robert Poujade …) peuvent en témoigner. Corinne Lepage, titulaire de ce portefeuille entre 1995 et 1997 a ainsi écrit un livre au titre qui en dit long : « On ne peut rien faire madame la ministre ».

Les-irreductibles-de-Notre-Dame-des-Landes_article_landscape_pm_v8Entre lobbies, méfiance et conservatisme, l’écologie politique parait donc condamnée à n’être qu’une variable d’ajustement dans les politiques publiques nationales. Pour EELV, ce constat est d‘autant plus cruel que l’écologie constitue sa nature intrinsèque. Ce parti cristallise donc davantage encore que les autres, la déception voire la colère des militants de l’environnement face à la faillite du gouvernement sur cette question.

Une amertume qui touche aussi depuis plusieurs mois les propres adhérents d’EELV, à tel point que la sortie du gouvernement n’a jamais été aussi présente dans les discussions internes. Cette question reste cependant tabou pour la majorité des cadres à commencer par les deux ministres, Pascal Canfin et Cécile Duflot, ainsi que la majorité des parlementaires pour qui « il vaut mieux être dedans que dehors ».
Cette absence totale de remise en cause de la participation gouvernementale, que chacun interprétera à sa façon, occulte un débat bien plus profond sur ce qu’est devenu EELV et d’une manière plus générale, sur l’écologie politique confrontée à l’exercice du pouvoir.

Un parti écologiste qui avale sans réagir, couleuvre sur couleuvre

Trente ans après le congrès fondateur, les années écoulées semblent avoir effacées ce qui avait permis joué un grand rôle dans la création de la première grande formation écologiste en France.

La naissance des Verts en janvier 1984 était l’aboutissement d’un long processus dont les fondations s’ancraient alors dans les luttes ou les alternatives locales réunissant des centaines de militants et de groupes divers et variés. Une véritable « marque de fabrique » qui avait alors permis aux Verts de s’approprier la fameuse phrase de René Dubos (agronome, biologiste et écologue français) prononcée au premier sommet sur l’environnement en 1972 « Penser local ; agir global ».

Un héritage aujourd’hui quasiment dilapidé qui fait d’EELV un parti comme les autres, un comble pour un mouvement qui revendiquait il y a peu « faire de la politique autrement ».1974-larzac3-21

Jamais la relation n’a semble t-il été aussi exécrable entre les associations, les collectifs et toutes celles et tous ceux engagés dans des résistances ou des expérimentations citoyennes. Ce petit peuple de l’écologie qui avait déjà dû encaisser le fameux « L’environnement ça commence à bien faire » sarkozyste, regarde aujourd’hui avec effarement un parti écologiste avaler, sans réagir, couleuvre sur couleuvre. De Notre-Dame-des-Landes à l’enlisement du chantier sur la transition énergétique, du report de l’écotaxe aux inquiétants atermoiements sur le nucléaire, les signaux sont au rouge et le divorce n’est pas loin.

Enfermé dans son obsession ministérielle, prisonnier de sa solidarité gouvernementale, EELV n’est plus très loin à la veille de son trentième anniversaire, de devenir la caution verte du PS. Avec comme dommage collatéral, la lente disparition de ce qui a fait sa spécificité, ses relais locaux, lassés d’avoir le sentiment de ne plus être écoutés et relayés dans leurs combats…

Pris à son propre piège, EELV ressemble de plus en plus à une grenouille qui aurait voulu se faire aussi grosse que le bœuf.
En imaginant pouvoir jouer d’égal à égal avec les partis traditionnels, en se croyant assez fort pour imposer ses idées, en privilégiant les postes ministériels et parlementaires au détriment d’un vrai travail construit patiemment sur le terrain, le parti écologiste vacille sur ses bases.

Small is beautiful

A la lumière de ce qui pourrait rapidement se transformer en naufrage, notamment aux élections municipales et européennes de 2014, une question se pose : et si l’écologie politique était incompatible avec l’exercice du pouvoir au niveau national et par delà, européen ?
Tout semble plaider, au regard de la crise que traverse EELV, à imaginer une autre voie : renoncer aux élections nationales et supranationales et se concentrer sur les nivaux municipaux et régionaux. Force est deIMG_2442 constater aujourd’hui que les plus belles réalisations des Verts puis d’EELV ont été acquises localement, dans des villes ou des régions. A Échirolles ou à Paris, en Ile-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais, les élus écologistes ont par leur travail de terrain et leur proximité avec les citoyens, réussis à développer des projets de territoire pour améliorer ou changer la vie.
Les liens tissés patiemment dans les communes, avec les associations naturalistes, les défenseurs de l’environnement, les opposants à des grands projets inutiles, les porteurs d’alternatives ont fait bien plus, en terme de légitimité, que n’importe quelle agitation au plus haut sommet de l’Etat.

En écologie plus qu’ailleurs, la question de l’échelle est déterminante. Au début des années 70, Ernst Friedrich Schumacher avait eu cette formule célèbre : « small is beautiful ». C’est là, à l’échelon communal, que se joue en grande partie l’avenir de l’écologie politique. La crise démocratique que traverse la France trouve en partie son explication dans la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de leurs élus. Des élus accusés, avec parfois une pointe de populisme, d’avoir joué avec le mandat qui leur était confié pour assouvir leurs ambitions personnelles.
En retrouvant ses origines, en appelant à la construction d’une démocratie de proximité et participative, en privilégiant la prise décision horizontale plutôt que verticale, en faisant le choix du local pour co-construire et mettre en œuvre son programme, EELV pourrait de nouveau ambitionner de faire rêver.
Aux présidentielles de 2007, Dominique Voynet avait choisi comme slogan, « la révolution écologique ». Il est encore temps de la mettre en œuvre.

 

Par Antoine Lagneau – lundi 2 décembre 2013

Une réflexion sur « C’est à l’échelon communal que se joue l’avenir de l’écologie politique »

  1. Bravo pour cette prise de conscience et cette remise en perspective de l’histoire d’un parti et de ses multiples renoncements en vertu de la loi du plus rentable et du plus fort à court terme, dont certains épisodes furent portés ou soutenus par quelques Camille de passage, un peu jeunes, ou aveuglés par l’attrait de la norme et de prébendes sans question ?!!… 🙂 Il y a un constat. Mais de solution, toujours pas. Ecrivons, alors.
    E. L.

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