Avant même que 2015 n’ait véritablement pris son envol, nous en connaissons déjà la figure de l’année : le climat. Discours politiques, Unes de la presse, hashtags de Twitter… la chose climatique est sur toutes les lèvres et a même eu droit à quelques allusions dans les vœux de François Hollande, avec une formule tout aussi obscure que son quinquennat autour d’une vague ‘ »déclaration sur les droits de l’humanité pour préserver la planète« .
Pourquoi ce soudain emballement ? Parce qu’en décembre 2015 se tiendra la 21ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, au Bourget, à quelques kilomètres de Paris. Voilà sans doute la seule véritable raison de ce regain de passion de nos édiles et autres leaders d’opinion pour l’environnement.
Si ce grand raout s’était tenu ailleurs qu’en France, l’homo politicus hexagonal, à de rares exceptions près, n’y aurait guère prêté attention, trop préoccupé par les seules échéances dignes d’intérêt à ses yeux : les élections, à commencer par la présidentielle de 2017.
Effondrement politique… et climatique
A ce moment de l’Histoire, le constat est sans appel : le climat politique national (et sans nul doute mondial) et le climat de notre planète ont un point commun, ils sont en péril et leur futur est plongé dans un abîme d’incertitude.
Un mot résume cette situation, proche de l’effet ciseau pour notre civilisation : effondrement.
Comme un écho au livre de Jared Diamond, « Collapse », qui décrivait la fin de sociétés comme celle des mayas ou des viking, les prochaines années pourraient être celles de la disparition du monde qui est le notre aujourd’hui.
Pour s’en rendre compte, il ne faut pas chercher bien loin. Le climat politique français n’a jamais été aussi tourmenté et proche de la déflagration. Inutile d’en énumérer les causes, le mal est connu et ne cesse de nourrir le monstre nationaliste et xénophobe.
Le discrédit des partis n’a d’égal que la propension de celles et ceux qui les dirigent à poursuivre des politiques toujours plus destructrices pour la planète et porteuses d’inégalités sociales pour l’espèce humaine. Entièrement dévoués au capitalisme, nos gouvernements refusent de voir que ce pouvoir auquel ils vouent un culte sans borne n’est déjà plus entre leurs mains.
C’est leur propre créature qui dirige aujourd’hui le monde, le Marché tout puissant avide de profits immédiats. Face à son appétit insatiable, l’environnement n’est plus qu’une variable d’ajustement à laquelle il donne une valeur sonnante et trébuchante, puisque dans son univers, tout s’achète et tout se vend.
Ainsi en va t-il du fumeux et funeste marché des droits à polluer, qui sous couvert de lutte contre le dérèglement climatique, n’est en réalité qu’un gigantesque Monopoly spéculatif pour États et multinationales sans scrupule.
Sachant que c’est justement les mêmes qui se réuniront à Paris en décembre 2015 pour cette énième grand messe pseudo environnementale, il n’y a donc rien à en attendre si ce n’est, comme au Pérou il y a quelques semaines, un compromis boiteux et creux destiné à chloroformer les masses…
Sauf que.
Un air porteur d’un autre futur…
Sauf que précisément, ces masses ont décidé d’aller respirer un autre air, un air sinon plus pur, au moins porteur d’un autre futur.
Les graines, comme le décrit Jérôme Baschet dans son livre, « Adieux au capitalisme » avaient été semées dès la fin du 20ème siècle avec l’apparition de l’altermondialisme dont le point d’orgue fut le sommet de Seattle en 1999.
Puis, la décennie suivante a été marquée par « un regain de créativité artistique et une nouvelle radicalisation« , faisant germer ce qui avait été enfoui auparavant. Est alors venu le temps de l’enracinement au début des années 2010, avec la structuration de ces mouvements qui sur le terrain, ont réussi à articuler résistances et alternatives.
L’éclosion et la multiplication des ZAD (les Zones à Défendre) en 2013 et 2014, emmenée par la lutte de Notre-Dame-des-Landes, en est le plus éclatant symbole.
Là où certains, poussés par l’appât du gain et du pouvoir, voulaient implanter sur des terres agricoles, des zones humides ou des forêts, ici un aéroport, là un centre commercial, ailleurs un stade gigantesque… le peuple de l’écologie est entré en résistance, refusant ces grands projets inutiles imposés.
A Sivens comme à Roybon ou à Décines, des lieux de vie ont alors surgi, des liens se sont créés ou recrées, de nouveaux modes de décision ont été expérimentés…
Empruntant à telle lutte ou tel auteur ou inventant in situ, zadistes et activistes ont choisi de mettre en acte localement la célèbre formule « un autre monde est possible », comme le montrait récemment une carte de Basta Mag.
… Pour tourner le dos au vieux monde
En 2015, Quartiers en Transition continuera de se faire l’écho de ces expériences tout en étant aussi acteur de plusieurs d’entre elles. En essayant également, pour apporter pierres et réflexion à celles-ci, de lier, comme depuis sa création, zapatisme, transition et écologie sociale.
Un triptyque dont le zapatisme, utopie réelle, est le champs d’expérimentation de l’autonomie radicale et anticapitaliste ; le mouvement de la transition, utopie concrète, le champs d’expérimentation pratique ; l’écologie sociale, utopie politique, le champs d’expérimentation du municipalisme libertaire.
Ces trois mouvements ont en commun de privilégier le local au global, de préférer la coopération entre les communautés et les territoires plutôt que la compétition, de s’appuyer sur des productions alimentaires et matérielles relocalisées, de mettre en œuvre d’autres dynamiques de groupe ou de gouvernance, à commencer par la démocratie directe, de refuser toutes formes de domination ou encore, de s’engager sur la voie de la décroissance.
Zapatisme, transition et écologie sociale sont autant de composante de ces luttes et alternatives qui jaillissent un peu partout, ici et ailleurs pour tourner le dos au vieux monde, celui du pouvoir centralisé et de la croissance éternelle, celui de l’exploitation des énergies fossiles et du productivisme effréné.
Si 2015 doit être l’année du climat, ce ne sera ni dans une enceinte ultrasécurisée d’un énième sommet environnemental, ni dans un des salons de l’Élysée mais bien dans les ZAD, dans ces espaces récupérés ou autonomisés, dans nos quartiers ou en plein champs, là où zadistes, activistes, zapatistes, transitionneurs, libertaires, décroissants, permaculteurs… inventent un autre futur.
En 2015, pour le climat, n’attendons plus, réapproprions nous l’avenir !
Illustrations de « croquis MCmarco » visibles sur le blog http://carnetsnddl.blogspot.fr/
Une réflexion sur « Climat d’incertitude, climat en péril : en 2015, réapproprions nous l’avenir ! »